« Les maths, moi, c’est
viscéral ». « A quoi ça sert de savoir dériver une fonction dans la
vraie vie ? ». « J’ai toujours été nul en maths de toute
façon ». Ah, les maths… Il y a ceux qui ont la bosse, et puis il y a les
autres… Qu’on les aime ou qu’on ne les aime pas, une chose est claire, elles ne
sont pas du genre à laisser indifférent. De ce constat est née l’idée d’un
film : Comment j’ai détesté les
maths, d’Olivier Peyon, qui sortira au cinéma le 27 novembre. Le choix du
titre devrait en attirer plus d’un dans les salles, car comment ne pas s’y
reconnaître ? Depuis la primaire où nous bûchons les maths, nous avons
tous au moins une fois (mais bien malheureusement pas que…) bloqué sur un
problème, et haï la matière.
D’emblée, le film nous exhibe les stéréotypes qui assaillent
–injustement ?– les mathématiques. Il s’ouvre sur des témoignages
d’enfants, adolescents et adultes de tous horizons. Parmi eux, deux étudiants
de Berkeley retiennent notre attention, ils dépeignent le profil type du
professeur de maths : un vieux garçon un peu ringard, une veste beige en
tweed et un nœud papillon. Certes nos enseignants n’ont pas tous arboré la
tenue, mais pour autant cette image à la vie dure. Avant de réaliser son film,
Olivier Peyon explique que c’est une réflexion d’un de ses amis chercheur au
Collège de France qui lui met la puce à l’oreille : « si on enseignait l’esprit
de liberté des maths aux enfants, tous les élèves deviendraient des rebelles ».
Les idées de liberté et de révolte lui semblent à l’époque être aux antipodes
d’une discipline a priori synonyme de sélection, d’élitisme et de rigidité. De
là le désir d’examiner, questionner et aller au-delà de ces clichés. Et en
effet, les maths sont plus complexes qu’il
n’y paraît…
Tout d’abord, les
maths ne sont pas qu’une matière
enseignée à raison de quelques heures par semaine, elles sont également un
symbole : celui de l’excellence. Dans les grandes écoles d’ingénieur,
d’aviation, de commerce, etc., elles constituent une épreuve incontournable
pour la sélection des candidats aux concours. Au lycée, la filière scientifique
(S) reste aujourd’hui encore la voie la plus empruntée par les étudiants, quand
bien même ils ne se destinent pas à continuer dans ce domaine. Parce que
réussir en maths est considéré comme une valeur sûre. Une aura propre aux
mathématiques qui semble bien installée.
Plus amusant, on pense peu
souvent aux émotions que véhiculent les mathématiques. Or, c’est tout un
panaché de sentiments qui se met à l’œuvre dans un problème : de la
frustration lorsqu’on ne parvient pas à franchir une étape, à l’excitation
lorsque progressivement les obstacles se rabattent jusqu’à la résolution !
Il y a bel et bien du concret et de la vie derrière les mathématiques. Une
véritable leçon de vie s’en dégage
d’ailleurs : ici, le résultat importe moins que le chemin que l’on
emprunte. Un principe qui s’applique à bien d’autres domaines qu’opérations et
algorithmes.
Enfin, un vieil adage voudrait
qu’il y ait d’un côté les artistes, de l’autre les matheux. L’imagination
contre la raison. Pour autant, d’aucun vous confirmeront cette idée-reçue. Pour
le mathématicien Jean-Pierre Bourguignon, il faut « savoir douter pour
atteindre une vérité ». Faire des mathématiques, c’est savoir se remettre
en question et avant tout être créatif,
afin de pouvoir trouver une solution. En simplifiant grossièrement, on pourrait
dire du mathématicien qu’il est un peintre dont le tableau n’est pas en toile,
un poète maniant des chiffres au lieu des lettres, un dessinateur dont le
fusain est une craie, etc., vous comprenez l’idée. Le mathématicien, un artiste
incompris ? Nous pouvons en
effet le croire.
Olivier Peyon explique que s’il a
réalisé ce film, c’est qu’il s’est rendu compte, au cours de ses recherches et
du tournage, que parler des maths, c’était « parler de nos contradictions,
de nos paradoxes, c’était tout simplement parler de nous ». Et en y
regardant de plus près, il n’a pas tout à fait tort. On s’abstiendra peut-être juste
de passer le message aux profs.
Camille Klein
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