Depuis quelques années, le
gouvernement et les responsables des grandes associations sportives
télévisuelles s’attaquent à une problématique épineuse : la visibilité du
sport féminin. En effet, il semblerait que le seul moment où les chaînes
gratuites nous octroient un peu de ce dernier soit pendant la courte période
des jeux olympiques, et encore selon les résultats de la France. Pourtant nous
avons pu y observer des performances sportives respectables. En Basket, les
françaises sont arrivées en finale et Céline Dumerc a été selon l’entraîneur de
basket américain la meilleure joueuse de la compétition. Leur succès a même
multiplié le nombre de licenciés dans les clubs de basket. Pourtant sur la
télévision, à peine 7 % (chiffres du CSA, mars 2013) du sport rediffusé est féminin,
et 90 % de ce score est diffusé sur des chaînes spécialisés. Pourtant, comme
l’affirme Arnaud Simon, directeur d’eurosport France, «Les chaînes généralistes cherchent
l'événementiel et les chaînes de sport premium n'ont ni le temps ni la volonté
de développer le sport féminin, qui pourtant possède un potentiel d'audience. »
(Stratégies.fr).
Comment expliquer alors une telle
mise à l’écart du sport féminin ? Il faudrait sans doute trouver des réponses
dans la façon dont les sports à majorité féminine sont considérés. En effet,
qui n’a jamais entendu les vieux poncifs qui dévalorisent des sports tels
que l’équitation, la danse, qui n’est souvent considéré que comme un art
et non un sport, le badminton, ou même plus récemment le cheerleading. Ils se
trouvent également que ces sports sont les moins diffusés, comme si le fait d’être une femme amoindrissait
la performance ou réduisait l’intérêt d’un sport. A l’inverse, une femme
voulant faire un sport jugé trop masculin, boxe, rugby, devra très tôt
affronter les réflexions de son entourage. Je ne pars pas là d’une lubie que
je me serais construite, l’idée que la féminisation dégrade la valeur d’une
entité a déjà été notée à de multiples reprises par des sociologues comme
Pierre Bourdieu dans la domination
masculine ou Marlaine Cacouault-Bitaud dans une thèse sur la
féminisation de certains emplois en utilisant notamment comme exemple
l’enseignement.
Le problème que l’on peut
invoquer dans un premier temps est la forte permanence de ce qui définit le
féminin, en général une vision
superficielle, esthétique. On considère qu'une femme fera du sport pour conserver sa ligne, non par plaisir ou par goût de la compétition ou du dépassement de soi. D'où le fait qu'une femme sportive sera mise en avant par sa
plastique et son glamour plutôt qu’en rapport avec ses performances sportives
ou même son simple statut de sportive, Sharapova en est l’exemple le plus
flagrant.
« Coucou, je suis une sportive de haut niveau
mais je suis quand même condamnée à être une potiche. »
La dictature de l’apparence peut
aller très loin. On se souviendra par exemple du scandale de la coureuse
sud-africaine Caster Semenya qui avait dû subir un test de féminité (Le nom
même est atrocement ridicule) hautement humiliant. Lors des Jeux Olympiques de
2010, elle avait littéralement explosé les chronos durant le 800 mètres. Plus
que sa course, le fait qu’elle ne corresponde pas aux critères classiques de
l’idée que l’on se fait d’une femme a sans doute beaucoup poussé le comité à
opter pour ce genre de test. La joueuse de tennis Marion Bartoli a également
souffert des préjugés qui ont cours à l’encontre des sportives. Un commentateur
de la BBC a eu l’extrême délicatesse non de commenter sa victoire à Wimbledon
mais son physique atypique, comme si commenter le jeu d’une sportive était
apparemment très difficile, ou même revoir les normes entre poids et bonne
santé, ou même comprendre que ne pas être un mannequin n’empêche pas de devenir
sportive de haut niveau.
Cependant il y a quelques efforts
qui ont été faits ou sont en train de se faire. Des politiques françaises comme
Najat Vallaud-Belkacem ont assuré que la visibilité du sport féminin serait une
priorité. La marque de maquillage professionnel MAC a choisi pour sa publicité
une bodybuildeuse, une femme à la musculature loin des canons de beauté
actuels. Mais ce sont encore de tous petits pas avant d’espérer une évolution
notable aussi pour le sport féminin que
pour la représentation de la femme dans le sport.
0 commentaires:
Enregistrer un commentaire