Après les
manifestations des 17 et 18 octobre ( 30 000 personnes dans toute la France
selon l'Union Nationale Lycéenne ), le mouvement semble s’essouffler en cette
période de vacances scolaires. Les principaux syndicats lycéens ( UNL et FIDL )
tentent malgré tout d'entretenir la mobilisation en cherchant du renfort du côté
des étudiants qui sont appelés à descendre dans la rue aux cotés des lycéens le
5 novembre.
Cet élan de solidarité spontanée de
notre jeunesse a surpris, ou du moins interpellé le président de la République.
Comment ne pas voir dans la proposition de François Hollande à Léonarda un
message, à peine subliminal, adressé aux lycéens ? En proposant à la jeune
fille de revenir en France, François Hollande cédait à sa manière aux
revendications de la jeunesse, tout en sachant pertinemment qu’elle ne
reviendrait jamais sans sa famille.
Le président n'est pas le seul à
avoir réagi aux manifestations. Outre les traditionnels refrains sur « les
lycéens qui vendraient père et mère pour sécher deux heures de cours »,
certains responsables politiques se sont élevés pour soutenir les étudiants,
notamment le sénateur EELV Jean-Vincent Placé et le président du FDG Jean-Luc
Mélenchon. Accusés de récupération politique, ils s'en défendent à juste titre.
En effet, ils ont raison de souligner que notre mouvement a des racines bien
plus profondes que l'expulsion de Léonarda et Khatchik. Il exprime le mal-être
d'une génération qui se décide enfin à sortir du silence.
En effet, si
nous réclamons aujourd'hui le retour de nos camarades, c'est autant à cause de
l'émotion qu'a suscité leur expulsion que par engagement politique.
On nous dit que la peine,
l'empathie et la compassion que ressent la jeunesse pour ces deux adolescents
ne sont pas des motifs valables pour les faire revenir, et qu'on ne peut
transgresser la loi sous peine de tomber dans la dictature de l'émotion.
Mais ces sentiments – sincères et
profonds chez beaucoup d'étudiants – proviennent de valeurs et de convictions
bien plus larges qu'une simple sympathie à l'égard de Léonarda et Khatchik.
Ces expulsions ont choqué la
jeunesse car elles vont à l'encontre de la société dans laquelle nous voulons
vivre. Cette société que nous défendons, nous nous en éloignons jour après jour
en piétinant les valeurs qui devraient au contraire la guider :
solidarité, égalité des chances, droit à l'éducation... Ces valeurs, nous ne
voulons pas les appliquer aux seuls français. Le monde a changé. Il est ouvert,
connecté. Les jeunes français se sentent désormais citoyens du monde avant tout.
L'égalité pour notre génération est une notion globale.
Nos détracteurs rétorqueront que
nos valeurs n’ont pas leur place dans ce débat, et que la loi ne peut être
bafouée. C’est précisément ce genre de discours qui nous a menés dans cette
situation.
Les lois changent en fonction des
cultures, elles fluctuent dans le temps et sont imparfaites car elles tentent
de normaliser et rationnaliser des processus humains qui ne le sont pas. Nos valeurs
quant à elle sont universelles, intemporelles et profondément humaines. Elles
ont forgé l’histoire contemporaine depuis le mouvement humaniste jusqu’à la
décolonisation et la révolution culturelle des années 60. Elles ont prouvé qu’elles
pouvaient nous guider pour le progrès de l’humanité.
Malgré les
horreurs qu’ont commises les hommes dans l’histoire, ne nous y trompons
pas : notre époque est bien la plus violente et cruelle de toutes. La
jeunesse s’élève aujourd’hui contre la violence systémique qui régit les
rapports politico-économiques de notre monde. Cette violence, de plus en plus
transparente et assumée à travers la montée des idées nationalistes, xénophobes
et réactionnaires de l’extrême droite, prend aussi d’autres formes plus
vicieuses. Elle réside par exemple dans la soustraction brutale de Léonarda à
l’institution scolaire.
Mais c’est dans notre système
économique qu’elle est poussée à son paroxysme. Délocalisation,
restructuration, benchmarking : autant de termes qui ne désignent rien
d’autre que l’expression de cette violence institutionnalisée. Par la mise en
concurrence sauvage des acteurs et la réduction de l’homme à un simple facteur
de production, notre système économique broie des vies entières.
Ainsi notre mouvement s’inscrit
dans la continuité de tous les mouvements sociaux de ces dernières années, des
indignés de Wall Street jusqu’aux manifestants brésiliens. Dans tous ces
mouvements, un seul point commun : le rejet d’un système
politico-économique qui piétine les droits fondamentaux des peuples depuis trop
longtemps. La crise économique, sociale et politique que nous traversons ne
peut qu’induire des changements de grande ampleur dans notre monde. Il
n’appartient qu’à nous d’en dicter les règles.
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