A touch of sin, quand la violence devient la seule voie

Rare de voir un film sur la société chinoise moderne, surtout quand il s’agit d’exposer les laissés-pour-compte de la course effrénée au développement économique. Jia Zhang Ke, dont les films étaient censurés par l’état chinois jusqu’en 2004, s’est ici inspiré de faits divers afin de pouvoir offrir sa vision de l’évolution de la Chine, c’est-à-dire selon lui : «La transformation rapide de la Chine s’est faite au profit de certaines régions mais également au détriment d’autres. » Et c’est donc cette Chine oubliée que le réalisateur se charge de dépeindre au travers de quatre portraits, quatre visages, quatre désespoirs, quatre explosions de violence au sein d’un monde qui leur a retiré leur dignité.

Il y a d’abord Dahai, mineur excédé par la corruption qui a lieu au sein de son village et qui finira par prendre son fusil pour rendre justice soi-même. Xiaoyu, réceptionniste dans un sauna, amante d’un homme marié qui refuse de quitter sa femme et qui doit subir le harcèlement d’un riche client. San’er, le travailleur immigrant, captivé par le pouvoir de son arme à feu qui lui permet d’échapper à la réalité. Et enfin Xiaohui, jeune travailleur sans qualification, sans attaches, passe d’un travail dégradant à un autre.



Filmés sans fard dans leur misère journalière, chaque personnage semble tangible, véritable. Les décors dénudés de la Chine des manufactures, de la campagne délaissée, nous dressent un portrait éclairant de ces régions qui ne profitent pas de l’enrichissement du pays. Le désespoir crasse finit toujours par pousser à bout les êtres fragiles que nous observons, les écarts de salaire et de niveau de vie aboutissent immanquablement à la violence la plus brute et la plus sauvage. Il devient alors fascinant de voir que la caméra, alors lente, intime, contemplative quand il s’agissait de filmer les protagonistes dans leur quotidien, devient lors de leur acharnement de violence étrangement vivace, non en question de vitesse pure, mais tire son inspiration aussi des western sur certains plans, voire des films classiques d’art martiaux. Les personnages semblent alors tirer de leur vengeance, de leur défoulement, une puissance supérieure qui leur octroie la dignité qu’ils s‘étaient vu retirer.

 Il semble dès lors dommage que le fil narratif qui relie les différents faits divers soit aussi discret. Si cet effet nous rend conscient de l’étrangeté de certaines coïncidences, le récit peut apparaître comme un peu décousu et donc perdre l’implication émotionnelle du lecteur. Parfois une certaine longueur contemplative donnera ainsi l’impression d’avoir affaire à un documentaire sur la Chine campagnarde et non à un véritable film. Il ne faut donc pas s’attendre à une unique histoire au risque d’être déçu.
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