Insatisfaction croissante des électeurs, abstention toujours plus élevée, élus toujours plus coupés de la réalité de ceux qui les portent au pouvoir : la démocratie est bel et bien le pire des systèmes... à l'exception de tous les autres. Nombre des défauts imputés aux régimes démocratiques sont en fait dus aux modes de scrutin. Alors quels pistes pour améliorer le vote ?
Le vote obligatoire
Minorités présidentielles et autres bizarreries démocratiques.
Le 45e
président des États-Unis d'Amérique a été élu avec 47 % des
votants donc avec 26%
du total des inscrits
sur les listes électorales, cela relativise
beaucoup la claque que le peuple américain aurait infligé
aux élites. Il y a un problème à dire que le résultat du
vote reflète réellement le choix des électeurs quand la majeure
partie d'entre eux s'abstiennent et que la désignation du gagnant
repose bel et bien sur une minorité.
Les abstentionnistes sont majeurs et vaccinés, il
n'est pas utile de tenir un discours infantilisant sur l'abstention.
Cependant, il faut garder cette idée en tête : en France comme aux États-Unis l'abstention est bien souvent "le premier parti".
En laissant en l'état cette situation on laisse bel et bien une
minorité décider à la place d'une majorité. Pour corriger ce
travers, il conviendrait peut-être de rendre le vote obligatoire.
L'idée d'un seuil de participation minimum
Dans de nombreux pays d'Amérique du Sud, ainsi qu'en
Australie et dans une poignée de pays européens, le vote est dit
obligatoire. Cela signifie qu'il y a des sanctions – théoriques ou
non – applicables aux personnes inscrites sur les listes
électorales ne s'étant pas déplacé au aux urnes.
Ainsi, en Belgique ne pas voter est passible d'une
amende allant de 25 à 250 € en cas de récidive. Il faut quand
même souligner que ces sanctions ne sont, aujourd'hui, presque jamais
appliquées. Cependant, le vote obligatoire fait partie de la
tradition électorale en Belgique (ce principe date de 1894) et sans
forcément y voir un lien de cause à effet, on remarque que la
Belgique est l'un des pays européens avec la participation aux
élections la plus élevée. Près de 90% des Belges se sont, ainsi,
déplacés pour l'élection fédérale de 2014, la dernière élection
en date.
Mais on pourrait aller encore plus loin. En effet, si ne
pas voter est dans de nombreux pays passible de sanctions, dans tous
les pays où ce type de mesure est appliqué, une élection avec une
participation moindre serait théoriquement validée. Les tribunaux
seraient "juste" débordés du fait du nombre de contribuables à
sanctionner.
On pourrait imaginer un système de vote obligatoire où
l'élection serait invalidée si la participation ne dépasse pas un
certain seuil. Ainsi, cela contraindrait un maximum d’électeurs à
aller voter. Le but ici ne sera pas de rebattre les oreilles de
l'électeur avec la logique de "vote utile". Le tout est
que l'électeur donne son avis de manière systématique.
Réponses aux critiques du vote obligatoire.
D'aucuns auraient un problème à obliger les gens qui
ne se reconnaissent dans aucun des candidats en lice à voter, mais
le problème pourrait aussi être abordé de cette manière :
D'une part, il n'est pas non plus normal d'avoir un candidat élu par les voix d'une minorité d'inscrits comme c'est le cas actuellement. L'abstention peut exprimer un certain rejet de l'ensemble de la classe politique, lequel peut-être compréhensible, mais rejeter en bloc nos personnalités politiques actuelles en n'allant pas voter n'empêche rien à l'élection de l'un d'entre eux bien au contraire, puisque ce sont les votants qui choisissent ceux qui nous gouvernent.
Mais on doit également considérer qu'une partie
conséquente des abstentionnistes ne veulent clairement d'aucuns des
candidats qui leurs sont proposés. Si ces personnes se retrouvent
contraintes de voter, on devrait de fait leur donner une possibilité
d'exprimer leur insatisfaction. Cela passe par une meilleure
reconnaissance du vote blanc.
Donner une meilleure place au vote blanc.
On pourrait imaginer une plus grande importance donnée
au vote blanc dans les élections. Depuis le 21 février 2014, le vote blanc n'est plus comptabilisé en France comme un vote nul mais
bénéficie de sa propre catégorie. Cependant, les votes blancs
n'entrent pas pas en compte dans les suffrages exprimés. En rendant
le vote obligatoire, on pourrait également imaginer un scrutin où le
nombre de votes blancs auraient une véritable influence sur
l'élection. On pourrait par exemple invalider les élections où le
vote blanc dépasserait le score du premier candidat ou de la
première liste.
Le vote unique transférable : remède miracle à l'insatisfaction des électeurs ?
Les deux objectifs inconciliables de l'élection d'une assemblée.
Au delà des élections de
type présidentielles, les élections législatives présentent de
nombreux défauts et pas seulement en France. En fait, on considère
qu'il y a toujours eu au moins deux objectifs inconciliables quand il
s'agit d’élire une assemblée. Le premier est celui de la
représentativité que l'on pourrait appeler "proportionnelle"
– l'assemblée reflète-elle bien le vote des électeurs ? N'y
a-t-il pas des courants ou des partis qui sont sous-représentés
dans l'assemblée par rapport au nombre de voix qu'ils ont obtenu ?
Le second est celui de la représentativité "locale" –
Les citoyens ont-ils pu voter pour un candidat venant de leur région
ou est-ce que lesdits candidats leurs ont été imposés par les
partis, en plaçant des candidats "importants" en tête de
liste ?
Dans les pays où l'on vote
circonscription par circonscription on a plutôt une bonne
représentativité locale mais une mauvaise représentativité
proportionnelle - ex : en France (si on exclut les parachutages) ou
au Royaume-Uni - et c'est l'inverse dans un pays où l'on vote à la
proportionnelle – avec des listes par partis – comme en Espagne
par exemple.
Pour preuve :
voici le résultat des élections générales britanniques en
nombre de votes et en nombre de sièges à la Chambre des Communes.
On voit que UKIP bien qu'ayant engrangé 12,5% des voix n'a eu qu'un
seul député sur 650 soit 0,2% du nombre de sièges.
L'Assemblée
nationale française – celle qui fut élue en 2012 –
ne comporte que 2 députés FN alors que le
FN a fait près de 14% des voix au premier tour.
Principe du vote unique transférable.
Le vote unique transférable
– ou VUT – a pour but de répondre aux objectifs inconciliables
de représentativité locale et proportionnelle. Son but est de
permettre aux électeurs de voter pour des candidats locaux – donc
par circonscriptions – mais que l'assemblée dans son ensemble
représente le mieux le choix des électeurs.
Dans chaque scrutin avec le système du VUT, il y a nécessairement un tour. Le principe est que chaque électeurs a la possibilité de classer les candidats en lice dans des circonscriptions élargies où il y a plusieurs sièges à pourvoir plutôt que d'en choisir un seul. Comme il y a toujours plus de candidats que de sièges à pourvoir, on fixe un seuil minimum de premier choix au-delà duquel un candidat est automatiquement élu, et les candidats restants sont choisis en fonctions des deuxièmes choix – ou troisièmes ou quatrièmes selon le nombre de "tours" nécessaires pour que l'ensemble des sièges de la circonscription soient pourvus. Pour cela, on élimine le candidat avec le moins de premiers choix et on ajoute les deuxièmes choix de l'ensemble des électeurs aux premiers choix des autres candidats puis si on n'a toujours pas tous les élus on élimine l'avant-dernier puis on rajoute les troisièmes choix aux premiers et deuxièmes choix obtenus par les candidats encore en lice et ainsi de suite jusqu'à temps que l'on ait l'ensemble des élus pour la circonscription. Il y a d'autres élément dans le principe du vote transférable mais c'est le principe de base.
Comme le principe VUT est compliqué à appréhender, surtout quand l'explication est couchée uniquement sur papier, je vous conseille de regarder l'excellente vidéo -en anglais de CGP Grey -vidéaste américain- à ce sujet.
Avantages du vote unique transférable.
La
principale vertu du système est de permettre
qu'une majorité d'électeurs soient représentés à la fois
localement et dans leur vote. Le but est qu'il y ait un maximum
d'électeurs satisfaits du résultat de l'élection, à
la fois parce que ces derniers pourraient voter pour des candidats
locaux en s'affranchissant – partiellement – des candidats
imposés par les partis au niveau national et parce que les
assemblées ainsi élues représenteraient mieux le scrutin dans son ensemble donc le choix d'un maximum d'électeurs.
Le deuxième
avantage du VUT est qu'il rend stérile toute stratégie électorale.
En effet puisqu'il n'y a qu'un tour et qu'il y a possibilité de
classer les candidats l'électeur peut voter en exprimant réellement
ses préférences. Ce dernier n'aura pas besoin de voter en fonction de ce qu'il pense
que les autres vont voter, ou de penser qu'il pourra voter au second
tour uniquement – prenant ainsi le risque d'avoir à choisir entre
deux candidats dont il n'avait pas prévu la
victoire et qui ne lui plaisent pas du tout.
Le
dernier avantage du VUT est qu'il corrige un gros point noir du vote
proportionnel qu'est l'absence de majorité claire dans une
assemblée.
Une élection présidentielle au VUT ?
En extrapolant, le système
du VUT s'appliquerait très bien à une élection présidentielle. Il
n'y aurait ni premier ni second tour, le candidat avec le moins de
premiers choix serait éliminé et on prendrait en compte les second
et troisième choix jusqu'à temps qu'un candidat ait un minimum
requis pour de 50% pour gagner.
On pourrait annoncer dans un
premier temps le décompte des premiers choix puis les seconds, et ce
jusqu'à ce qu'un candidat soit élu en ayant atteint un seuil de 50%
des voix.
Inconvénients du VUT
Le vote transférable n'est
pas parfait. En effet son principal défaut est qu'il est
extrêmement compliqué. Il est complexe tant à appréhender pour
les électeurs qu'à appliquer et à dépouiller. Le mettre en œuvre
rallongerait ainsi considérablement le dépouillement et on aurait
sûrement pas le résultat des élections dans la soirée pour ce qui
est de la France mais probablement un jour plus tard au bas mot.
Cela poserait également beaucoup de problème à bon nombres d'électeurs si un candidat
était élu si le candidat en question avait un écart trop élevé
entre le nombre de premiers choix et le nombre total de choix
obtenus.
Conclusion
Le scrutin parfait est à l'image de la démocratie
idéale : il n'existe pas. Le but poursuivi dans cet article cet
article était d'amener le lecteur à s'interroger sur les
moyens d'améliorer notre démocratie, à se demander si rejeter en
bloc la classe politique, les institutions et tout ce qui constitue
un régime démocratique ferait nécessairement avancer les choses.
Aussi voici un message à l'attention du lecteur : peu importe vos
opinions politiques, peu importe le fait que vous en ayez ou non, ne laissez personne
décider à votre place. Votez aux prochaines élections et au
suivantes, si le coeur vous en dit.
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