Les JO de RIO se sont achevés le 21 août et, comme à
Londres, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne occupent les deux premières
places du tableau des médailles avec un total de 188 récompenses. Un total
impressionnant qui cache deux approches différentes.
Etats-Unis : tout ou presque pour les universités
Qu’ont en commun Dana Vollmer, Nathan Adrian et Missy
Franklin, outre qu’ils sont tous trois médaillés olympiques ? Ils
s’entraînent tous à l’Université de Berkeley qui peut se vanter d’avoir
remporté 19 médailles dont 8 en or, plus que le Brésil. Aux Etats-Unis et plus
que n’importe où dans le monde, le sport est extrêmement lié au système
universitaire. Encouragé au 19ème siècle pour améliorer la
discipline des étudiants américains, le sport est devenu un motif de
compétition féroce entre les différentes universités qui n’hésitent pas à
investir des millions de dollars de leur fortune dans des infrastructures
dernier cri. Ce qui peut également mener à des situations ubuesques telles
que la répartition de l’héritage de cet alumni libraire de l’université du New
Hampshire : la librairie de l’université n’a reçu que 100 000$ de son généreux don,
l’administration de l’établissement ayant préféré réserver 1 million de dollars
pour acheter un nouveau tableau d’affichage pour son stade de football américain.
Outre les infrastructures, les universités promettent surtout des bourses
conséquentes pour leurs meilleurs athlètes ce qui n’est pas anodin dans un pays
où les frais de scolarité peuvent rapidement dépasser les 50 000$. Ces
athlètes concourent ensuite pour la gloire de leur université dans des
compétitions très suivies organisées par la toute puissante NCAA, la plus
grande organisation sportive universitaire au monde. Cette omniprésence du
sport au niveau universitaire contraste avec la situation d’un pays comme
l’Inde où les infrastructures sont très peu développées et les résultats
décevants pour le deuxième pays le plus peuplé au monde.
Le succès sportif des universités américaines dans les
disciplines olympiques s’explique également par l’amendement Title IX voté en
1972 qui interdit toute discrimination sur la base du sexe dans les programmes
d'éducation soutenus par l’État. Avant cette réforme, très peu d'équipes
féminines universitaires existaient en raison de préjugés tenaces : on
évoquait alors la fragilité de la constitution féminine ou encore le risque de
stérilité pour décourager le sport féminin. Aujourd’hui, 61 des 121 médailles
remportées par les Etats-Unis à Rio l’ont été par des femmes. En 1972, elles n’en
avaient rapporté que 23 contre 71 pour les hommes. La représentation a elle aussi largement évolué, en 1904, les Etats-Unis avaient envoyé 520 hommes pour les
représenter à Saint-Louis contre seulement 6 femmes.
Bien sûr, il existe également une explication beaucoup
plus simpliste au succès sportif des Etats-Unis : la combinaison
d’une population nombreuse et de ressources très importantes confère un
avantage intrinsèque majeur aux Américains. Par ailleurs, 65% des médailles aux
Jeux de Rio proviennent de deux disciplines, la natation et l’athlétisme, et
les Etats-Unis ne se classeraient que 43ème si on rapportait le
nombre de médailles à la population totale. S’ils restent très forts dans les
sports collectifs, les performances individuelles sont elles à nuancer.
God save the Olympics
De l’autre côté de l’Atlantique, l’approche est
radicalement différente mais les résultats sont les mêmes. Une rupture a lieu
aux Jeux d’Atlanta en 1996, lorsque la Grande-Bretagne termine à une piteuse 36ème
place au classement des médailles, avec une seule breloque en or. Sous
l’impulsion du premier ministre John Major, les britanniques décident alors de financer les disciplines olympiques grâce
aux revenus de la loterie nationale, détenue par l’Etat. Aujourd’hui, celle-ci
finance à hauteur de 350 millions de livres le sport britannique à chaque
olympiade. Cet argent est cependant loin d’être redistribué
équitablement : les fonds sont attribués en fonction des espoirs de
médaille de chaque discipline. L’aviron, sport traditionnellement
pourvoyeur de médailles pour nos voisins britanniques, a ainsi reçu jusqu’à 35
millions de livres tandis que le tennis de table a dû se contenter d’1 petit
million. Le modèle est si efficace que l’Australie s’en est désormais emparé.
L’attribution de cette manne financière est du ressort de
l’organisation UK Sport, dépendante du gouvernement britannique, qui établit un
véritable plan sur huit ans pour espérer glaner un maximum de médailles. En
plus du financement individualisé de chaque sport, l’agence a mis en place des
programmes scientifiques spécialisés à la recherche du moindre gain, de la
moindre amélioration technique. Un tel mode de fonctionnement n’a pas manqué
d’attirer les critiques, le contribuable anglais se demandant si dépenser en
moyenne £5,5m par médaille était bien raisonnable. Ce financement réservé à
l’élite sportive a apporté son lot de laissés pour compte : les sports
moins clinquants peinent à préserver leurs infrastructures tandis que
l’activité sportive de la vaste majorité de la population se situe à un plus bas
historique. La situation est telle que le gouvernement a dû débloquer en
urgence £150m pour financer le sport à l’école, à peine la moitié de ce que les
champions britanniques recevront jusqu’aux JO de Tokyo.
Le revers de la médaille
Depuis quelques mois, les critiques pleuvent sur l’Agence
mondiale anti-dopage (AMA) et son président écossais Craig Reedie. Après
l’exclusion d’une bonne partie de la délégation russe, le rôle prépondérant des
Etats-Unis et de la Grande-Bretagne dans les organisations sportives
internationales majeures a été largement remis en cause. Les deux puissances du sport mondial ont notamment
été accusées d’être beaucoup moins regardants concernant leurs propres athlètes.
Ces critiques devraient se poursuivre après le piratage
de l’AMA par le groupe de hackers russes Fancy Bears qui a permis de révéler un
usage très répandu, bien que déjà soupçonné, des autorisations d'usage à des
fins thérapeutiques (AUT) permettant aux sportifs de suivre un traitement à
base de médicaments contenant une substance interdite. Des autorisations qui
révèlent au choix une prévalence incroyable de certains maladies chez les
sportifs de haut niveau ou une certaine hypocrisie de certains dirigeants
anglo-saxons…
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