Hamza, cinq lettres
imprimées dans le froid bitume bruxellois. Cinq lettres, autant que dans futur,
dandy, génie. La vie est ainsi faite, nul n’échappe à son destin. Ici point d’ergotage
ou d’exhaustivité, nous éluderons bien volontiers la biographie du jeune
héritier du trône de Belgique pour se concentrer sur son activité la plus
illustre. Rappeur méconnu au sein du collectif bruxellois Kilogrammes Gang,
Hamza déploie ses ailes de poète avec la sortie du projet gratuit sobrement
intitulé H24. Là non plus le chiffre n’est pas anodin, il renvoie aussi bien à
la quintessence de la pureté de l’or qu’au nombre d’heures que compte une
journée. Comme un symbole en somme, H24 se compose de 24 titres aux reliures
savamment dorées ; aux productions vaporeuses et éthérées vient se greffer
la voix fluette d’un rappeur américain jusque dans le geste. L’auditeur avisé
ne manquera pas de reconnaître çà et là les figures les plus influentes de la
scène Houston/Atlanta : l’autotune et la désinvolture de Travi$ Scott, le
phrasé monolithique de Future, l’explosivité et l’imprévisibilité de Young
Thug. Entendons-nous bien, Hamza n’est pas le point de confluence de ces trois
figures sacrées de la scène hip-hop, pas plus qu’il ne peut se targuer de jouir
d’un centième de leur notoriété. Toujours est-il qu’Hamza est résolument
moderne. C’est un esthète, un de ceux qui fait bouger les lignes avec une
facilité déconcertante.
Révolutionnaire dites-vous ? Peut-être. Clivant ? Assurément.
Car s’il mélange la sauce comme personne (référence
au morceau « La Sauce » issu de H24, morceau le plus connu à ce jour),
jamais Hamza ne se mélange, jamais Hamza ne se travestit. Soliste dans l’âme,
il ne navigue que très peu dans les eaux troubles d’un rap au torse bombé et à
la violence exacerbée.
Le succès critique d’H24
fut total : les experts hip-hop de tous poils et de tous horizons
saluèrent alors la prise de risque et l’avant-gardisme émanant du jeune prodige.
Un bonheur n’arrivant jamais seul, il fut l’unique artiste francophone joué en
playlist par les seigneurs Virgil Abloh et Olivier Khatib (bras droits
respectifs de Kanye West et Drake, excusez du peu) sur la très prestigieuse OVO
Sound Radio : un véritable tour de force. A titre de comparaison, imaginez
Mesdames les ébauches de votre chère et tendre amie en école de stylisme reprises
par les petites mains de Karl Lagarfeld et Olivier Rousteing. Peut-être
comprendrez-vous mieux la hauteur du sommet gravi.
En Juin dernier, Hamza a
permis à ses fans les plus assidus de se délecter d’une nouvelle sauce, d’un
nouveau nectar dont lui seul a le secret : Zombie Life, projet payant
cette-fois, rompt alors avec la spontanéité toute relative d’H24. Les mélodies
sont complexes, discontinues, anguleuses ; les structures des sons
toujours plus alambiquées. Hamza innove et déconcerte, jamais là où l’on
attend, toujours là où il faut être. Dans la tendance plus que jamais, plus que
personne d’autre dans le hip-hop francophone. Si d’aucuns ne voient en lui
qu’un succès risible et éphémère, il n’en est rien. Si les puristes ne jurant
que par Lunatic ou NTM (supposés pinacles indépassables du hip-hop français)
font preuve à l’égard des fidèles d’Hamza de toute l’ire et de tout le mépris
qui caractérisent les gens de bien nous leur répondrons nous ; infâmes
béotiens, que nous avons un temps d’avance. Un pied, que dis-je, le corps tout
entier plongé dans la modernité. Puissent les dieux du hip-hop seulement
pardonner à ces justes dans l’erreur.
Afin de sceller dans le
marbre cette faste et furieuse année 2016, le jeune artiste du piège (Bruxelles
comme il aime à l’appeler) a sorti le 24 Octobre un nouvel EP 5 titres aux
consonances dancehall et caribéennes : New Casanova. Là encore la prise de
risque est pleinement assumée, le virage musical s’effectue à 180 degrés. Parmi
les moments de virtuosité du projet on notera l’excellent El Dorado, en featuring
avec son alter ego canadien : Ramriddlz, nouveau protégé de Drake. Ce
dernier chante d’ailleurs en français (oui oui en français) une bonne partie du
morceau, et ce non sans un certain panache. Le très bon Whine (à consommer sans
modération aucune) vient clore le projet.
Ainsi, court mais concis,
New Casanova ressemble à ces interminables journées d’été étouffantes de
chaleur et de sensations, le soleil a son zénith sublimant les courbes des
sirènes les plus ensorceleuses. Décidément, il semblerait donc que le jeune
artiste soit prêt à jouer sur tous les tableaux, et ce par-delà toutes les
latitudes : Hamza, cinq lettres comme un astre incandescent, cinq lettres
pour braver l’éternité.
« J’suis
au-dessus d’vous comme si j’avais des pouvoirs »
Hamza, Au Top, Zombie
Life (2016)
Karl SINGER
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