Les élections présidentielles libanaises entre espoir et blocages persistants.

Le Premier ministre Saad Hariri déposant son bulletin dans l'urne, le 8 mai à Beyrouth. (rfi.fr)

Entre les élections américaines et les futures élections françaises, s’il y a une élection dont pas grand monde n’a dû entendre parler, c’est bien l’élection d’un nouveau président au Liban. Elle intervient pourtant dans un contexte de crise politique sans précédent marqué par l’absence de Président de la République en fonction depuis deux ans et demi. Retour sur 30 mois de crise politique, entre espoirs et blocages persistants à l’issue de laquelle Michel Aoun est élu Président de la République.

Mais pour commencer, comment fonctionne le système politique au Liban ? Les députés siégeant au Parlement sont élus par la population et c’est cette même Chambre des députés qui élit le Président de la République… d’où l’absence de Président en fonction, depuis la fin du mandat de Michel Sleimane le 25 mai 2014. Pas une fois le seuil de 86 députés sur 128 (nécessaire au vote) n’a été atteinte notamment en raison de l’absence volontaire d’un tiers des députés. Les fonctions institutionnelles sont réparties selon les différentes communautés au Liban. On retrouve ainsi un chrétien maronite à la tête de la Présidence de la République, un musulman sunnite à la tête du conseil des ministres (Premier ministre) et un musulman chiite en tant que Président de la Chambre des députés… Autant dire que cette répartition pourtant nécessaire peut parfois être source de conflit. 

Un Liban divisé autour de l'axe sunnite / chiite

Derrière cette paralysie institutionnelle, on retrouve une opposition entre le clan « anti-syrien » qui réunit les maronites des Forces Libanaises (FL), ceux des Phalanges chrétiennes ainsi que les sunnites du Courant du Futur de Saad Hariri. Ce clan soutient successivement les candidats Samir Geagea et Sleiman Frangié sans grand succès.
De l’autre côté, le clan dit du « 8 Mars » regroupe le Courant patriotique libre – fondé par l’ancien général de 82 ans, Michel Aoun – et le Hezbollah chiite du controversé Hassan Nasrallah qui considère par ailleurs que le seul candidat à pouvoir être élu n’est autre que M.Aoun.
En réalité, cette opposition n’est que le reflet d’une « guerre froide » de pouvoir et d’influence entre l’Arabie Saoudite sunnite et l’Iran chiite.


Un dénouement qui laisse place à de l'espoir


C’est le 20 octobre dernier que la situation finie par se dénouer enfin, après l’annonce du soutien de Saad Hariri à la candidature de Michel Aoun. Un soutien inopiné, plus une entente sur la forme pour un Hariri lâché par l’Arabie Saoudite qui ne fait plus du Liban une priorité. Il sait également qu’un soutien à Aoun est le seul moyen d’accéder à nouveau à la tête du conseil des ministres, poste qu’il avait déjà occupé entre 2009 et 2011. Le député du Courant du Futur Nabil de Freige confirme la tendance : « Il ne s’agit pas d’une adhésion de notre parti aux valeurs et à la personne de Michel Aoun mais d’un nécessaire soutien à notre démocratie en état de déliquescence ». Le 31 octobre, Michel Aoun est élu à la présidence de la République du Liban. Saad Hariri devient son Premier ministre.
La crise politique, longue de 30 mois aura fragilisé le pays notamment l’économie, touchée par l’accueil d’1,5 millions de réfugiés syriens. Cette élection laisse place à beaucoup d’espoir, l’espoir de relancer le pays, relancer ses institutions, son économie… finalement relancer son système et de vaincre la corruption qui le gangrène, pour ce pays classé parmi les 50 pays les plus corrompus, permettons-nous de rêver un peu.


"Dans les faits, ces élections pourraient ne rien changer ..."

L’un des gages principaux du soutien d’Hariri à la candidature de M. Aoun résidait dans la prise de distance avec la crise syrienne, chose que le Président fraîchement élu a accepté. Ceci entre en contradiction avec les agissements du principal allié du Président Aoun, le Hezbollah qui « compte bien se battre aux côtés de Bachar Al-Assad jusqu’à la victoire finale ».
La formation d’un gouvernement, censé être paritaire entre musulmans et chrétiens, risque d’être plus compliquée qu’il n’y paraissait. Les divergences politiques restant fortes, Saad Hariri risque de s’y reprendre maintes et maintes fois avant de parvenir à la formation d’un gouvernement, s’il y parvient un jour…
« On va potentiellement passer d’un pays sans président mais avec un gouvernement, à un pays sans gouvernement mais avec un président, ce qui serait tout aussi grave ! » s’alarme Nabil de Freige. Alain Aoun, député du Courant Patriotique Libre, quant à lui nuance : « Certains partis ne soutiennent pas le consensus opéré avec le clan Hariri, mais le temps nécessaire sera donné aux négociations et, au moment venu, Michel Aoun saura trancher »

Retour (ou presque) à la case départ donc, pour un Liban entravé par son système confessionnel pourtant nécessaire à sa survie... wait & see.

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