Le Grand Oral d'Arnaud Montebourg dans l'émission politique





Jeudi dernier, Arnaud Montebourg ne s’est pas défilé ; il était bien présent face à Léa Salamé et David Pujadas dans l’Émission Politique de France 2… Voici notre recap


Récap

En matière d’économie, l’ancien locataire de Bercy est resté fidèle à sa ligne : bien qu’ayant troqué sa marinière contre un costume cravate, le credo reste le même : pour sauver et créer des emplois, priorité à l’industrie. Face au syndicaliste d’Aulnay, le CGTiste Jean-Pierre Mercier, Montebourg a défendu son bilan ; il n’a pas pu sauver Aulnay, mais en faisant passer 14% du capital de Peugeot sous le contrôle de l'État, il considère avoir sauvé l’entreprise, donc des milliers d’emplois. Arnaud Montebourg n’estime pas pour autant que toutes les entreprises peuvent et doivent être sauvées ; mais « dans de nombreux cas, l’activité n’est pas condamnée, il faut restructurer ». 

À propos de la fiscalité, il s’est prononcé pour une baisse de l’impôt des classes moyennes et populaires qui passera par une baisse de la CSG. La mise en œuvre de son programme - 30 milliards d'investissements, 10 sous forme de baisse d'impôts et 20 sous forme d'investissements dans les collectivités locales et les infrastructures - permettrait une diminution de 500 000 chômeurs et 2% de croissance supplémentaire. 

Concernant l’Union Européenne, le chantre de la démondialisation dénonce la germanisation de Bruxelles et souhaite un meilleur équilibre ; il préconise une réorientation des traités qui permettrait un rééquilibrage des pouvoirs. En revanche, contrairement à Jean-Luc Mélenchon, autre candidat à la présidentielle, la question de la sortie de la zone euro et de l’Union Européenne ne se pose pas. Malgré tout, il faudrait "aller casser de la vaisselle à Bruxelles". 

Sur l’écologie, il reprend le credo de Nicolas Hulot selon lequel l’énergie nucléaire est un moindre mal. Le mix énergétique du nucléaire et des énergies renouvelables permettrait de s’affranchir du fossile ; la priorité étant pour lui la lutte contre le réchauffement climatique. Cette position lui a valu une rupture avec les Verts. 

À propos des grandes questions internationales, Arnaud Montebourg a défendu l’opération Serval au Mali décidée par François Hollande. Plus réticent concernant l’intervention en Irak de 2014, il considère désormais qu’il faut aller jusqu’au bout. 

Sur le terrain de l’immigration, il paraphrase Rocard qui voulait que la France ne puisse accueillir toute la misère du monde mais qu’elle en prenne sa juste part. Il estime la politique migratoire (1 million de réfugiés) d’Angela Merkel trop importante pour être imitée par la France ; la répartition des migrants devrait s’effectuer, selon lui, sur la base du volontariat. 

En matière d’identité nationale, l’ancien cadre d’Habitat condamne les arrêtés anti-burkinis ; tout comme Christiane Taubira, il estime que tout ce qui l’incommode ou le dérange ne saurait être interdit. « L’Islam, comme toutes les religions, est compatible avec la République, à condition qu’il en respecte les principes et les lois » ; mais il propose de clarifier son financement. 

En ce qui concerne le terrorisme, il préconise la création d’un service national obligatoire. En revanche, il se prononce en défaveur de la déchéance de nationalité envisagée un temps par le gouvernement – un dérapage selon lui – et critique vivement la proposition de Nicolas Sarkozy d’établir un centre de rétention pour radicalisés qui ferait entrer la France dans « l’ère des suspects ». Il accuse également l’ancien Président de la République d’avoir affaibli les forces de police et les services secrets en pratiquant des suppressions massives d’effectifs durant son mandat. 


Notre parti pris

Les audiences ne s’y trompent pas ; avec 800 000 téléspectateurs de moins que son prédécesseur Nicolas Sarkozy, Arnaud Montebourg n’a pas véritablement fait le spectacle jeudi soir, ni convaincu les électeurs, tant dans son propre camp (près de 50% d’approbation) que sur l’ensemble des Français (aux alentours de 30%). 

Sa volonté, aujourd’hui, de fédérer le plus grand nombre le conduit à prendre des positions médianes et à adopter un discours plus convenu, aux antipodes de l’image de trublion qu’il s’était forgée au gouvernement. 

Aujourd’hui, Arnaud Montebourg a du mal à clarifier son positionnement ; il s’est fait ravir la notion de renouveau, de modernité, par son successeur à Bercy, Emmanuel Macron ; il peine, d’un autre côté, à incarner la ligne d’une gauche plus traditionnelle que personnifie aujourd’hui Jean-Luc Mélenchon. 

Au-delà des grands principes, son programme économique reste assez flou ; il incarne la gauche industrielle, soutien traditionnel du secondaire, à un moment où l’économie et le monde du travail sont en pleine révolution ; à l’heure des nouvelles technologies, de l’explosion du tertiaire, d’internet, des services, peut-être faudrait-il davantage miser sur les reconversions et de nouvelles manières de penser le monde du travail - avec, par exemple, le revenu universel de base au coeur de cette nouvelle conception - plutôt que de s’arc-bouter à soutenir des secteurs condamnés à terme. 

Sa recherche du consensus à tout prix l’empêche de prendre des positions claires sur des grandes questions de société qui agitent la France : il se prononce en faveur de l’accueil des migrants mais n’annonce pas de seuil d’acceptabilité ; de la même manière, aucun chiffrage sur les proportions entre énergies renouvelables et énergie nucléaire ; concernant les opérations militaires de 2014 en Irak, même flottement dans les propos : il semble davantage décidé à subir l’interventionnisme de ses prédécesseurs plutôt que d’assumer ses propres positions. On reste également perplexe, tout comme François Lenglet, devant les chiffrages de son programme économique : comment ces investissements de 30 milliards d'euros - 10 sous forme de baisses d'impôts et 20 sous forme d'investissements dans les collectivités locales et les infrastructures - permettraient une croissance de 2% et une diminution de 500 000 demandeurs d'emplois ? 

Aujourd’hui pris en étau entre une gauche plus radicale incarnée par l’euro-pessimiste Jean-Luc Mélenchon, et une gauche progressiste et réformiste personnifiée par le juvénile Emmanuel Macron, Arnaud Montebourg ne gardera sans doute pas très longtemps le melon que lui tendait en fin d’émission l’humoriste Charline Vanhoenacker. 
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