Parce-que notre travail au sein
du TBS Press n’est pas seulement d’écrire mais aussi de faire partager, je vais
vous faire part une nouvelle fois d’un témoignage.
Le 17 décembre dernier au CDRT –
Centre Dramatique Régional de Touraine - j’ai eu la chance de pouvoir assister
à la meilleure pièce de théâtre que j’ai eu l’occasion de voir : Les Particules Elémentaires de
Michel Houellebecq mise en scène et adaptée par Julien Gosselin. Cette pièce,
grande révélation du Festival d’Avignon en 2013, fait le tour des théâtres et
centres dramatiques de France depuis et sera jouée au TNT du 25 au 28 mars 2015
– à bon entendeur.
Petite mise au point : Les Particules Elémentaires de
Michel Houellebecq est un roman publié en 1998 questionnant l’héritage de mai
68 et du mouvement Hippie en France à travers la narration de la vie de deux
hommes – Michel Djerzinski, un scientifique de renom et Bruno, un professeur en
quête perpétuelle du plaisir sexuel, deux frères qui ne le découvrent que plus
tard et qui vont traverser cette période clé de l’Histoire. Ces deux
biographies agiront comme révélatrices de l’état de la société française de
l’époque : une société en quête de repères, perdue dans le vacarme d’une
consommation toujours plus abrupte, refusant tout conformisme, toute aliénation
et toute autorité et prônant la paix et la liberté absolue notamment la liberté
sexuelle.
Ce roman et l’écriture de
Houellebecq en général semblent réellement « fait[s]
pour le théâtre » comme a pu le dire Julien Gosselin. Cela tombe sous
le sens une fois le roman lu ; il y a de réelles coupures, des
« phases » de description, de récits romanesques et de poésie. Le
Prologue le met bien en évidence : en deux pages, on a droit à un récit
romanesque que l’on pourrait facilement comparer à un hommage mortuaire et à un
poème dont je vous fais part de la fin ici :
« Maintenant
que la lumière autour de nos corps est devenue palpable
Maintenant
que nous sommes parvenus à destination
Et
que nous avons laissé derrière nous l’univers de la séparation,
L’univers
mental de la séparation,
Pour
baigner dans la joie immobile et féconde
D’une
nouvelle loi
Aujourd’hui
Pour
la première fois,
Nous
pouvons retracer la fin de l’ancien règne. »
Loin de moi l’idée de vous révéler tous les détails
de la mise en scène, je souhaite simplement attirer votre attention, éveiller
votre curiosité et peut-être vous donner envie de voir une pièce de théâtre
dépoussiérée, décalée - dû en partie à l’écriture de Houellebecq mais pas que,
alliant moments descriptifs avec notamment les apparitions du personnage de
Houellebecq interprété par un des comédiens de la troupe qui intervient au fil
de la pièce, moments d’humour lorsque Bruno essuie refus sur refus de la part
de la gente féminine, et moments forts en émotion. La Valeur Ajoutée de cette
pièce de théâtre est l’utilisation de divers procédés de mise en valeur du
texte : les nouvelles technologies avec l’utilisation de vidéos, de
caméras filmant en direct et retransmises sur l’écran géant, la musique - la
majorité des acteurs sont aussi musiciens– si présente que l’on peut avoir
parfois l’impression d’être dans un concert et enfin divers procédés théâtraux
comme par exemple l’utilisation du nu.
Pour ma part, le moment fort de la pièce est le
long et fort monologue sur le projet « Tribute
to Charlie Manson » et sur les massacres perpétués par un certain
David Di Meola. Une musique très puissante et très violente accompagne ce
monologue le chargeant d’autant plus en émotions. Celui-ci dénonce les dérives
et les limites du mouvement Hippie en décrivant les horreurs commises par les
sectes, américaines notamment, qui prirent naissance dans l’essence même du
mouvement. Cela est d’ailleurs bien explicité dans cet extrait :
« Selon Daniel Macmillan, la destruction
progressive des valeurs morales au cours des années soixante, soixante-dix,
quatre-vingt puis quatre-vingt-dix était un processus logique et inéluctable.
Après avoir épuisé les jouissances sexuelles, il était normal que les individus
libérés des contraintes morales ordinaires se tournent vers les jouissances
plus larges de la cruauté […]. En ce sens, les serial killers des années quatre-vingt-dix étaient les enfants
naturels des hippies des années
soixante. »
La force de cette pièce est que l’on peut passer du
rire aux larmes – ou du moins à l’émotion extrême en quelques minutes voire
quelques secondes. Elle nous incite à nous questionner quant à l’héritage que
nous, étudiants et personnes n’ayant pas connu mai 68, avons reçu et quelles
conclusions sur nos droits fondamentaux, particulièrement celui de la liberté
mis à mal à de maintes reprises ces derniers temps, nous devons en tirer.
Je ne peux donc que conclure par : Allez voir
cette pièce !
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