Mercredi
06 avril au soir, Emmanuel Macron a lancé un mouvement politique à ses
initiales : « En Marche ». Depuis Amiens, sa ville natale, le
ministre de l’Économie, de l’Industrie et du Numérique a présenté son projet
devant quelques 200 personnes, sans même inviter les journalistes. Surprenant,
quand on sait que l’évènement a été largement repris depuis dans les médias,
avec comme point d’orgue le passage du ministre au journal télévisé de France 2 ce dimanche.
D’après l’intéressé, le mouvement compterait d’ores et déjà 13 000 membres à cette date, et enregistrerait un nouvel adhérent toutes les 30 secondes – soit près de 3000 nouveaux adhérents par jour.
Conclusion du teaser faisant la promotion du mouvement
Un mouvement hors du clivage gauche/ droite ?
« C’est
un mouvement politique qui ne sera pas à droite, qui ne sera pas à gauche »
a affirmé le ministre, qui soutient vouloir « refonder par le bas, de
manière authentique » le lien entre les Français et la politique. Ainsi,
le mouvement est ouvert à tous, aux adhérents du Parti Socialiste comme aux
adhérents des Républicains.
Le
teaser du mouvement annonce vouloir remédier aux « blocages économiques
qui font que l’ascenseur social est en panne ». En fait, le mouvement se
veut être le prolongement de la vision politique d’Emmanuel Macron, résolument
libérale, et ce à tout point de vue. C’est en effet à partir de la notion de liberté, « primat
essentiel » selon lui, qu’il formalise ses idées politiques. L’idée de
liberté se décline ainsi sur le plan économique sous la forme d’un libéralisme
assumé, tout en s’accompagnant de politiques en faveur de l’égalité des
chances. En ce sens, le mouvement réunit bien deux approches qui appartiennent
l’une à la droite, l’autre à la gauche. On notera que cette approche rappelle à
de nombreux égards la position adoptée par Justin Trudeau, l’actuel Premier
ministre canadien.
Ainsi,
s’il se dit bien « être de gauche, venir de la gauche », Emmanuel
Macron entend se donner les moyens de travailler avec des gens de droite, de « rassembler
les bonnes volontés de droite et de gauche, […] de créer une dynamique pour que
les progressistes puissent se retrouver ». Les réactions à l’annonce de la
création du mouvement sont à ce titre révélatrices, puisque François Hollande
ou Najat Vallau-Belkacem ont salué le projet, quand Jean-Pierre Raffarin ou
Pierre Gattaz faisaient de même.
La finalité du mouvement en question
Ce
positionnement qui prétend s’affranchir d’une distinction nette entre droite et
gauche – à l’heure où 45% des Français disent ne plus en tenir compte – ne
prépare vraisemblablement pas un éventuel gouvernement de coalition. Rappelons
que cette configuration de coalition n’a eu lieu qu’en de très rares occasions :
en 1926 avec l’Union nationale de Poincaré, puis dans le cadre du Gouvernement
provisoire du général de Gaulle (quand bien même « lors de moments de crise, ce type
de coalition a bien fonctionné », ainsi que le rappelle Jean Garrigues,
professeur d’Histoire à Sciences Po Paris).
Aussi,
si la possibilité de formation d’un gouvernement de coalition semble tout à fait lointaine,
à quelle échéance la création du mouvement a-t-elle l’intention de répondre ?
A partir des nombreux commentaires portant sur ce sujet, deux hypothèses se
dessinent. En premier lieu, on soupçonne bien sûr le mouvement d’être une rampe
de lancement pour l’élection présidentielle de 2022. Emmanuel Macron n’ayant jusque-là
jamais été élu, n’étant pas même adhérent du Parti Socialiste, l’initiative
semble d’abord être le signe manifeste que le ministre s’assume désormais comme
un homme politique à part entière, et non plus seulement comme un
haut-fonctionnaire de renom.
D’autres
voient dans ce mouvement une manière pour le ministre de jouer les rabatteurs
pour François Hollande, en allant chercher des électeurs au centre tout en sachant que
François Hollande tentera vraisemblablement de se positionner en point d’équilibre
de la gauche. Emmanuel Macron s’en défend, sans avoir les moyens d’en faire la
démonstration. Après analyse, on devine bien sûr que les deux hypothèses
présentées ici ne sont pas exclusives l’une de l’autre, et que dans son intention
l’initiative joue très certainement sur les deux tableaux.
Concernant
la seule ambition présidentielle du ministre, celui-ci affirme ne pas en faire
une question centrale, rebuté qu’il serait par l’ « efflorescence de
candidats » qu’on constate en cette période de primaires. Difficile de lui
donner tort sur ce point. Et de poursuivre : « Ça n'est pas une aventure solitaire. Je ne suis pas obsédé
par la comédie humaine, où la vie des gens ne devient qu'un décor. […] Le plus
important c’est d’essayer de faire œuvre utile pour le pays ». On ne
demande qu’à y croire.
0 commentaires:
Enregistrer un commentaire