Il est temps de partir, vieux camarade

Thoughts of the past

Instinctivement, on a beau penser que le Royaume-Uni a toujours fait partie de l’Europe, en pratique, les choses sont bien différentes. Remettons-nous dans le bain : le Royaume-Uni intègre la Communauté Economique Européenne (CEE) en 1973 après un référendum approuvé par 67% des britanniques. Déjà à cette époque, certains sont farouchement attachés à leur indépendance – on pense tout particulièrement à la branche la plus à gauche du Labour Party. Michael Foot, leader du parti à l’époque, soutient la sortie du RU dans le manifeste de 1983. Ils avaient d’ailleurs prévu une sortie immédiate de la CEE dès que le Labour Party reprendrait le pouvoir.                    « Même si la géographie et l’histoire ont inscrit l’Angleterre en Europe, la CEE n’a pas été conçue pour nous et notre intégration ».

Un peu plus de cinq ans après, ce ne sont plus les travaillistes qui remettent en question la place du RU dans la CEE mais les conservateurs. On pense tout de suite au « I want my money back » de Margaret Thatcher, le fameux coup de gueule poussé par la première ministre considérant à l’époque que la contribution britannique était largement supérieure à ce qu’elle recevait, notamment en ce qui concernait la PAC. Le fameux rabais britannique est accepté en 1984 équivalant aux deux tiers de l’excédent versé à l’Union par rapport à ce que le Royaume-Uni perçoit. Huit ans après, elle réaffirme de nouveau son opposition à une Europe fédérale en refusant la monnaie unique et obtient une clause d’exemption : le « opt-out ».

Les années 2000 ne marquent malheureusement pas l’apaisement des tensions et des désaccords entre l’Union Européenne et les britanniques : Tony Blair propose de soumettre à référendum la future constitution de l’UE en 2004 mais se ravise peu après, en 2008 le centriste Nick Clegg demande un référendum sur l’appartenance à l’UE, UKIP (UK Independance Party) – ou la branche populiste du Parti des conservateurs – demande eux aussi un référendum. David Cameron, actuel Premier ministre, pris dans les jeux de pouvoir de la politique britannique, teinte son discours d’un certain euroscepticisme et en va même jusqu’à proposer une date pour un référendum sur le maintien du RU dans l’UE : 2017.

Would a Brexit break Britain?

La situation actuelle

Après un Conseil européen consacré à cette question en février, David Cameron a annoncé que le référendum aura lieu le 23 juin 2016. Le 15 novembre 2015, le gouvernement britannique a présenté ces conditions :
1. Limitation des aides sociales pour les nouveaux migrants issus de l’UE
2. L’Euro n’est plus considéré comme la monnaie unique de l’UE
3. Une plus grande libre-circulation des capitaux  et une règlementation européenne amoindrie
4. Volonté de revoir les traités concernant la supranationalité de l’UE
« Je suis convaincu que nous serons plus forts, plus en sécurité et en meilleure posture à l’intérieur d’une Union européenne réformée » David Cameron 

Quel modus operandi après un éventuel Brexit ?

Il est possible d’après l’article 50 du traité de l’UE (TUE) qu’un Etat membre sorte de l’Union – il doit notifier son intention au Conseil Européen. Une fois la chose faite, les deux parties négocient les modalités de retrait, modalités qui se doivent d’être approuvées par le Parlement européen.

L’UE perdrait l’une de ses trois grandes puissances, une des plus importantes places financières au monde et le premier partenaire diplomatique des Etats-Unis. Néanmoins, les conséquences pourraient être bien plus lourdes pour le RU. En effet, l’Angleterre serait amenée à remettre en cause ses relations avec l’Ecosse, indépendantiste et europhile puisqu’un second référendum sur la sortie de l’Ecosse du Royaume-Uni pourrait avoir lieu en cas de « Brexit ». De plus, cette éventualité affecterait également sa politique extérieure, pas seulement pour ce qui est des relations avec l’UE mais aussi celles avec tous les autres pays. Enfin, d’un point de vue purement économique, le « Brexit » coûterait 100 milliards de livres à l’économie britannique ainsi que détruirait près d’un million d’emploi selon une étude réalisée par PwC et commandée par la CBI, principale organisation patronale du pays.

Il est temps de partir, vieux camarade

L’Histoire montre que les relations entre l’UE et le Royaume-Uni n’ont jamais été au beau fixe. Le Royaume-Uni n’a eu de cesse de remettre en question sont appartenance à l’Union. « La Grande-Bretagne elle-même est une île flottante qui, selon les inflexions de sa politique, se rapproche ou s’éloigne de l’Europe. » d’après Alfred FABRE-LUCE.
On peut alors se demander si l’Union, aussi faible soit-elle aujourd’hui, a besoin d’un tel maillon. Le Royaume-Uni veut une Union à la carte, et menace de la quitter à chaque réforme. Voulons-nous réellement les britanniques dans nos rangs ? Le veulent-ils au moins ? Ne menacent-il pas de vouloir nous quitter juste pour obtenir quelques bonus par-ci par-là ?

« Les hommes disent toujours qu’ils vont partir à l’aube, mais ils le font rarement » Jim Harrison

Lorsque l’on voit qu’au final le Royaume-Uni a plus à perdre dans cette histoire que l’Union, il est difficile de pouvoir défendre ses multiples tentatives de retrait, et d’autant plus difficile d’accepter qu’il y reste. L’Union s’est créée avant tout pour garantir la paix mais aussi la prospérité de l’Europe. L’idée était, comme le disait Churchill, de créer les « Etats-Unis Europe », des pays unis, voulant avancer dans la même direction. Si aujourd’hui le Royaume-Uni veut changer de voie, grand bien lui en fasse.


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