Depuis de nombreuses années je suis habitué à cet événement.
La fête de la musique est une occasion unique de passer une soirée dans les
rues bondées de monde et de groupes aux styles, goûts et âges variés. Cette
année le hasard fait que je la passe dans la ville d’Agen, et j’ai voulu faire
attention à ce qui s’est passé et comprendre pourquoi elle a tant de succès et
de mérite. Cela passe d’abord par le récit de cette journée.
La veille déjà les installations de tentes se font, et se
montent dans l’après-midi, après la sieste règlementaire qu’impose la chaleur,
bien entendu. 18h sonne l’heure des balances, faisant monter la pression. Déjà
les rues se remplissent de groupes en train de se rallier, et de point de
ravitaillement aux produits aussi alléchants que leurs prix sont repoussants.
Les heures puis les minutes avant le début de la fête, les restaurants se
remplissent, les bars et épiceries font le plein de clients. Lorsque les
premiers artistes ou amateurs entrent en scène, seuls de petits groupes les
regardent d’un air indifférent, amusé, parfois contrit. Ainsi un jeune rappeur ou un jeune groupe se
lance devant sa bande de fans du lycée, créant l’illusion du succès ou de
l’adhésion. Mais combien sont-ils à se laisser avoir par cet artifice? Combien
seront-ils à se satisfaire de si peu de talent ?
Mais continuons. Nous passons d’un groupe à un
autre comme un visiteur au musée passe d’une toile à l’autre. Surpris par la
jeunesse d’un guitariste à la virtuosité
étonnante, il s’arrête et voit ce petit bonhomme haut comme trois pommes
présenter ses reprises, les membres de son groupe (ils sont trois) puis jouer
et prendre plaisir à montrer sa passion et surtout son talent devant les
autres. Après une formation de pop-rock, voici une fanfare de percussion aux rythmes
endiablés pouvant invoquer les roulements de tambour africain dans une ville
provinciale du sud de la France. Envoûtant dépaysement. Une fois la mélodie
arrêtée, la colonne des nomades se faufilent à travers celle des applaudisseurs
sédentaires.
Puis soudain, au détour d’une rue, le coup de foudre. Un
groupe apparemment comme les autres compose ou reprend en accompagnant une voix
ensorcelante, captivant l’attention et la sensibilité des passants. Alors l’œil
se fixe, on scrute, on se laisse envoûter, puis on reste. On applaudit, on a
envie de leur dire les yeux dans les yeux «Bravo !». Ils prennent une
pause et l’on continue. Le voyageur sur la terre des muses rencontre à son
grand dépit ou étonnement des sons qu’il eut souhaité ne pas entendre, à moins
qu’il ne les ait espérés le plus aujourd’hui. De l’électro au metalcore,
décidément il y en a pour toutes les oreilles!
Mais l’heure avance, les fêtards sont toujours aussi
nombreux mais changent de têtes en fonction de leur trouvaille, de leur joie,
ou en fonction de leur taux d’alcoolémie. C’est alors que l’on prend la mesure
du charme de certaines musiques. Les Agenais stoppent leur marche pour se laisser
séduire par les cordes et voix du blues. D’autres s’enivreront de jazz, dont
les adeptes prolifèrent dans les rues lorsque minuit sonne. D’autres encore,
opteront pour une ambiance so chill en se laissant bercer par la mélodie du reggae.
Ce n’est que les jambes fourbues, parce qu’ayant atteint un état de plénitude
ou ce moment dans la soirée où il vaut mieux dormir que nous rentrons.
Pour une
fois, nous tous qui étions dans la rue avons eu en commun l’envie de trouver le groupe de
la soirée, le spectacle qui nous touchera le plus. Nous sommes encore surpris
par le jeune ou grand âge de certains passionnés de musique connues ou oubliées.
Nous sommes renvoyés à ce qu’elle représente pour les Hommes : un langage
universel qui exprime l’identité de chaque individu, peuple, génération. S’il
est vrai que « sans la musique la vie serait une erreur » (merci
Fabio pour cette phrase de Nietzsche), nous devrions voir cette fête comme un rassemblement plus
universel encore que la coupe du m
onde, car expression inédite de toute la
diversité de ces gens que nous ne cessons de croiser sans regarder, sans
connaître.
Puissiez-vous, chers lecteurs continuer à pouvoir
exprimer vos sentiments avec des mots et des notes à l’issue d’un tel rassemblement.
Antoine Lézat
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