Le cinéma numérique : ça tourne !

Le cinéma hollywoodien pour pouvoir sans cesse rentabiliser ses films au budget croissant a voulu mettre en avant sa recherche et ses avancées technologiques. Depuis une dizaine d’années la 3D a voulu percer dans le milieu avec en tête d’affiche Avatar de James Cameron. L’avancée technologique du cinéma rend beaucoup d’amateurs nostalgiques de la vieille époque où l’ordinateur n’intervenait pas dans le cinéma. En effet, Depuis cinq ans, le cinéma est passé à l’ère numérique, toutes les étapes de la production d’un film sont affectées. A l’inverse le fait de tourner de façon traditionnelle, en argentique, commence à devenir un argument commercial comme avec les 8 Salopards de Quentin Tarantino. Ainsi aujourd’hui nous allons parler de la révolution invisible du 7ème art, celle du passage de l’argentique au numérique.

Techniquement, comment on fait un film et quelle est la différence entre l’argentique et le numérique ? 

D’abord il convient de rappeler qu’un film est une séquence d’images projetées à 24 images par seconde  La différence entre les deux méthodes est soit durant la prise de vue, soit lors de la projection.

Pour commencer une caméra traditionnelle utilisant la technologie argentique dispose d’une pellicule qui défile à la verticale, au passage derrière l’objectif, ses composés chimiques (halogénure d’argent) réagissent à la lumière, pour obtenir ensuite une image traitable, il faut le plonger dans du révélateur, c’est le développement.

Ensuite les images sont montées puis traitées. Ensuite il faut tirer le film, c’est-à-dire à partir du film monté original faire des copies envoyées dans les cinémas. Le projecteur lui s’occupe de faire défiler le film mécaniquement devant une lampe. Il s’agit du fonctionnement théorique, en réalité, à l’heure des effets spéciaux et des techniques de montages sur PC, uniquement la prise de vue se fait avec un film qui est par la suite numérisé, monté sur ordinateur, les copies sont aujourd’hui aussi en numérique sur des disques durs.

 Il existe beaucoup de type de pellicule, la plus courante et encore aujourd’hui beaucoup utilisée est la pellicule 35mm inventé par Edisson à la fin du XIXème siècle, elle offre une grande qualité et un cout bas (75€ la minute de tournage). Néanmoins, d’autres pellicules sont utilisées, la deuxième la plus utilisées est la pellicule iMax.


Schéma du film 35mm appelé le « format académique »

A l’inverse, une caméra numérique remplace la pellicule par un capteur photosensible muni de millions de photosites, les photosites sont par groupe de 4 pour former le pixel (1 photosite pour le rouge, un pour le bleu et deux pour le vert). Les pixels, eux vont former ensemble une image. La caméra prend alors 24 « photos numériques» par seconde.

Les fichiers sont alors enregistrés généralement directement sur des disques durs reliés à la caméra ou sur des cartes internes. Elles sont ensuite transférées sur ordinateur pour le montage. Le film, une fois fini, est distribué sous forme de disque durs (dits « DCP »). Comme pour le nombre de type de pellicule disponible, il y a plusieurs tailles de capteur (Attention, un capteur plus grand ne veut pas dire qu’il y a plus de pixels) le plus courant est le capteur Super35 de la même taille que l’image du film 35mm. Il existe aussi plusieurs définitions que peuvent enregistrer les caméras, elles vont du 2K (2048 x 1080 pixels) au 8k, la norme la plus courante au cinéma maintenant étant le 4K (4096 x 2160 pixels). La projection dans les cinémas ne se fait qu’en 2K généralement, le 4K est en cours d’installation. 

ARRI, autrefois producteur de caméra argentique s’est mise sur la vague pour ne pas se faire distancer par les marques comme RED.


Pourquoi être passé au cinéma numérique ? 


Le travail numérique au cinéma remonte aux années 1970, il avait pour but d’utiliser l’outil informatique afin de créer des effets spéciaux. La première fois qu’il est exploité avec Mondwest de Michael Crichton en 1973 avec 10 secondes, le rendu pour cet effet qui parait simple aujourd’hui a pris 8h par seconde ! 

A 1’09 le premier effet généré par un ordinateur.

A partir de ce film, utiliser des ordinateurs et des logiciels devient possible. On retiendra surtout Star Wars IV : un nouvel espoir de George Lucas, les effets numériques sont beaucoup plus nombreux et utilisé (Bien sur les effets spéciaux classiques restent présents), Tron en 1982 continue sur cette lancée. Au fur et à mesure des années, les techniques s’améliorent, les ordinateurs deviennent plus puissants et s’intègrent de plus en plus dans la production cinématographique et peut même devenir l’outil principal comme avec Toy Story, le premier long métrage d’animation. Mais à cette époque la prise de vue (hors animation) et la projection étaient toujours en format classique argentique.

C’est encore George Lucas qui va beaucoup agir pour le basculement du cinéma au numérique « puisque le cinéma numérique est inévitable, autant y passer le plus vite possible » Et c’est chose faite en 1999 avec la première projection en numérique depuis un disque dur et non un film avec Star Wars I : La menace fantôme, l’homme va ensuite faire pression sur le milieu pour convertir le cinéma que ça soit au niveau de la prise de vue ou au niveau de la projection, les technologies s’améliorant au fil du temps. Ce n’est qu’à partir des années 2010 que les cinémas remplacent un à un les projecteurs.

Les avantages du cinéma numérique sont nombreux, d’une part les caméras sont plus légères, n’utilisent pas de consommables (la pellicule) et les rushs produits sont visibles sur ordinateurs (avant il fallait les trier et les marquer des petites salles de projections) le travail de production est donc facilité (que ça soit le montage ou les effets spéciaux). Ainsi le numérique a vraiment donné beaucoup de possibilité supplémentaires tout en permettant de réduire les couts de productions au point que toutes les productions à faible et à moyen budget se font avec des prises de vue uniquement numériques. Même les grosses productions ont pour la plupart abandonné l’argentique. 

Tournage de The revenant, une grosse production filmée grâce à la RED

La distribution du film est beaucoup moins couteuse, un long métrage tiré en film comporte environ 3 bobines de 1000€ chacune alors qu’une copie numérique coûte 200 €, mais aussi beaucoup plus rapide et facile, il est aisé de donner des disques durs à tout le monde (les cinémas se font même maintenant transférer le film directement depuis l’Internet) alors que les copies argentiques se passait d’un cinéma à un autre, sont compliquées à manipuler et s’usent rapidement à l’usage. En revanche les projecteurs numériques sont beaucoup plus chers environ 80 000€ par projecteur (multipliez cela par le nombre de salle !) et sont peu réparable contrairement aux projecteurs classiques coutant 15000€ pour les dernières versions et se réparant facilement vu qu’il s’agit de pièces mécaniques et non de circuits imprimés.

Le numérique n’a pas encore réussi à dépasser les prises de vue traditionnelle au niveau de la qualité. On ne peut pas parler de pixels pour un film (vu que ce sont les molécules d’argent qui réagissent). Néanmoins on peut parler d’équivalence, la pellicule 35mm est à peu près équivalente à du 6k, (ce qui correspond à la moyenne de prise de vue aujourd’hui, la diffusion n’étant qu’en 4k maximum) et la pellicule IMAX (J’y viens après) et équivalente au 12k, ce que aucun format numérique ne peut prendre en charge. La durée de conservation des films est par contre plus à l’avantage de l’argentique : 100 ans dans de bonnes conditions alors qu’on ne sait pas au bout de quelles durées les données numériques se dégradent. 


L'argentique a t'il encore de l'avenir ? 


Comme dit précédemment, l’argentique est un véritable gage de qualité d’image, même si aujourd’hui la pellicule est numérisée et le travail est fait sur ordinateur. La prise de vue traditionnelle est encore beaucoup appréciée également pour ses couleurs, son grain (l’image numérique est définie comme trop propre et parfois et non sans mauvaise foi un peu impersonnelle). Ainsi des réalisateurs aiment bien revenir dessus, comme Quentin Tarantino qui est fan de ce cinéma et a même utilisé la pellicule 70mm Panavision, inutilisée depuis les années 60 pour produire Les huit salopards. Cette utilisation est même devenue, comme le IMAX, un argument commercial de choix : un western tourné comme autrefois ! Et même si le film a peu été distribué sur bande Panavision (seuls 6 cinémas en France en ont profité) et que presque tout le monde l’a vu en projection numérique, l’argument a fait mouche.


Tournage des huit Salopards avec une caméra Panavision


L’argentique a aussi réussi à s’adapter à la venue du numérique en utilisant de plus en plus  la pellicule dite IMAX (pour Image Maximum), il s’agit d’une pellicule 70mm mais qui défile à l’horizontale au lieu de la verticale pour avoir l’image la plus grande possible. Bien que cette technologie datant des années 1970 soit restée un moment confidentielle, elle est revenue en grande pompe dans les années 2000 et 2010 ayant été notamment utilisée pour les films Harry Potter, Transformers ou encore James Bond Spectre. Elle reste néanmoins extrêmement couteuse (4000€ par minute d’utilisation et des caméras extrêmement cher à acheter) et peu de cinémas disposent de salles dotés de projecteurs IMAX (très cher et compliqué à mettre en place) : 4 en France seulement, ainsi seulement les productions à très gros budget peuvent se permettre ce luxe. Ainsi la plupart du temps la pellicule est convertie en image numérique pour la distribution mais la diffusion numérique ne permet pas encore de restituer la qualité apportée par la pellicule. 


Différence entre le format académique et le format IMAX

Conclusion

Bien qu’ayant pris beaucoup de temps à s’implanter, le numérique a parfaitement intégré le cinéma dans toutes les étapes de production, du tournage à la projection. Au tel point que la technologie argentique ne peut plus survivre que sur la prise de vue. Les caméras traditionnelles, qui perdent du terrain, essayent de mettre en avant leur côté authentique et de meilleure qualité et même de s’améliorer grâce à la technologie IMAX mais indéniablement, l’amélioration des formats vidéo ainsi que de la puissance des ordinateurs auront raison des technologies traditionnelles au grand dam de nombreux cinéphiles.

Malgré tout, la qualité d’un film n’est pas dépendante du moyen de tournage, aujourd’hui, tourner en argentique revient à faire un choix artistique qui doit servir le long-métrage et ne doit pas devenir un simple argument commercial, ce que n’a pas réussi à faire la 3D. 

Pour en savoir plus 

Damien Dezeque








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